Présentation de « Le Chamane et le Psy »
Le Chamane et le Psy, c’est la rencontre et la discussion entre un Chaman Suisse qui a exploré différentes formes de chamanismes, Laurent Huguelit et un médecin psychiatre et psychothérapeute qui a exploré différentes approches psychothérapeutiques ainsi que les transes par les plantes.
Qu’est-ce qu’à d’intéressant cet ouvrage ? C’est la rencontre entre deux mondes, d’où le sous-titre du livre, Un dialogue entre deux mondes. Deux mondes qui de manière surprenante se rejoignent.
J'ai trouvé cette discussion riche d'informations et d'enseignements. C'était agréable de voir l’ouverture d’esprit présente, ce qui se construisait et ce qui se posait de proche et de convergent. Lire cet ouvrage a donné du sens à certaines compréhensions que je pouvais avoir aussi bien du chamanisme que du champ psychothérapeutique. J'y ai aussi appris et découvert bien des choses.
C'est notamment venu confirmer que le chamanisme n’est pas une religion comme certains sembleraient vouloir le poser. D’ailleurs, qu’est-ce que le chamanisme ? Vous êtes-vous jamais posé la question ? D’après les auteurs, cela regrouperait toutes les pratiques et toutes les croyances faisant appel aux esprits et à « l’autre monde » que l’on pourrait aussi appeler le « monde de l’invisible », le « psychocosmos », l’« au-delà », la réalité non ordinaire ou autre comme nous le précise Laurent Huguelit. Ainsi, l’on ne devrait pas parler « du chamanisme » mais « des chamanismes » car il y aurait autant de chamanismes que de pratiques différentes. Ce qui ne vient que valider les différentes pratiques et interactions avec la société en fonction des cultures à travers le monde.
Cela est venu rejoindre mes propres perceptions et compréhensions, par contre, je n'aurai jamais pensé le chamanisme au pluriel. Et pourtant, cela a tant de sens !
Avant de poursuivre, une information pour celles et ceux qui ne le savent pas. Le terme « chaman » vient de Sibérie et a été utilisé par les anthropologues pour qualifier ces pratiques qu’ils découvraient. Il s’est ainsi généralisé pour tout ce type de pratique. Comme nous le dit Mycéa Eliade[1], Dans les années soixante, personne ne connaissait le terme « chaman » en Amérique du sud. Ca a bien changé, n’est-ce pas !
Ensuite, j’ai trouvé extrêmement intéressant de constater le paradoxe complémentaire entre le côté scientifique et cartésien du Dr Olivier Chambon qui avait régulièrement tendance à expliquer, à donner du sens et celui de Laurent Huguelit qui ramenait souvent les questions à des choses simples, basiques. J’ai écrit complémentaire car ce qui frappe au premier abord est de voir l’absence d’opposition entre les deux. Soit nous avons des lectures différentes, soit des points de convergence, et cela même si parfois il y a difficile compréhension.
J'ai trouvé plus que captivant de les voir discuter sur leurs perceptions et compréhensions de la maladie, des soins, de leurs méthodologies, de certaines valeurs, etc.
L’un des points sur lequel Laurent Huguelit est régulièrement revenu, c’est que quoi que l’on puisse dire ou interpréter, il y a une constante, celle que le chaman est avant tout un intermédiaire et un relais entre notre monde et l’autre monde. Un relais dans le sens où il n’agit jamais lui-même. Quand il soigne ou se retrouve en interaction, ce n’est pas lui qui soigne ou qui parle, c’est toujours un « esprit » ou quelque nom qu’on puisse lui donner, qui agit et parle à sa place. Un esprit qui est avant tout un "auxiliaire", un allié. Cela est venu conforter la compréhension que j’avais pu avoir, en Mongolie cet été, de mes rencontres avec des chamans[2].
Alors, on y croit ou on n’y croit pas. Et cela d’autant plus lorsqu’on est bien ancré dans notre culture judéo-cartésienne qui laisse tout de même peu de place à tous ces phénomènes : ça a obligatoirement une explication scientifique, sinon c’est du charlatanisme, voir une expression du « diable »… Et pourtant…
Certains d’entre vous ont-ils lu les ouvrages de Corinne Sombrun et notamment le dernier Les esprits de la steppe ? Corinne Sombrun est devenue Chaman par hasard, première occidentale initiée à devenir chaman en Mongolie. Comme elle le dit elle-même, elle a du mal avec la notion d’esprit, étant trop cartésienne pour cela. J’ai donc été fort surpris de découvrir que les mots qu’elle utilisait pour décrire ce qu’elle percevait de ce qu’elle faisait en état de transe (tout en précisant qu’elle ne comprenait pas ce qu’elle faisait), étaient les mêmes que ceux utilisé par Laurent Huguelit pour expliquer comment agissaient les Chaman. Cela fut d’autant plus surprenant que ni l’un ni l’autre ne sont dans leurs biographies respectives. Et que penser, même, des résultats des électroencéphalogrammes qu'elle a passé en état de transe...
J’ai aussi découvert dans ce livre qu’il existait aux États-Unis et en Europe des établissements de santé (hôpitaux et cliniques) qui travaillent avec des chamans (une clinique en Allemagne notamment). Les psys s’occuperaient des problèmes liés au cerveau et au psychologique tandis que les chamans s’occuperaient des problèmes liés à l’âme. N’est-ce pas intéressant ? Cela n’ouvre-t-il pas bien des possibilités de voir des scientifiques accueillir ces pratiques ? C’est comme ce qu’à révéler l’électroencéphalogramme de Corinne Sombrun en état de transe.
Un autre point est venu m’interroger sur les croyances et postures humaines dominantes, celui de la cosmologie. D’après Laurent Huguelit, les spécialistes de la question comme Myrcéa Eliade et Michael Harner il y aurait une « composante universelle de la pratique chamanique, même s'il existe des spécificités culturelles » . La réalité non ordinaire, l'autre monde, serait ainsi divisée en trois mondes :
- Le monde d’en bas qui est lié aux énergies telluriques qui sont elles-mêmes reliées à ce que l'on appelle les "esprits animaux".
- Le monde du milieu, c'est celui dans lequel nous vivons en y ajoutant sa face invisible à l'oeil nu. Tout ce qui nous entoure serait fait d'énergie et communiquerait avec nous sous la forme d'esprit : les plantes bien sûr, les arbres, les autres personnes, mais aussi les objets (bon, là, c'est tout de même moins évident à accueillir...). Les esprits de ce milieu sont liés à la vie, à la mort, à la personnalité et à l'ego.
- Le monde d’en haut, celui des énergies purement spirituelles.
Cela ne vous rappelle rien ou ne vous ferait-il pas penser à quelque chose ? Personnellement, je trouve que cela vient interroger les grandes religions et certaines des aspirations humaines. Vous ne trouvez pas ? J’aurai l’occasion d’y revenir dans un prochain article, surtout qu'il n'y aurait pas un monde meilleur qu'un autre.
Cet ouvrage est un ouvrage des plus intéressants, de ces ouvrages dont on fait malheureusement peu la publicité. Intéressant par les interrogations, questions et éventuellement éclaircissements que cela peu apporter. Et cela quelles que soient nos croyances, nos convictions, notre ouverture d’esprit.
Je le conseille vivement à toutes personnes intéressées par ces deux thèmes, le chamanisme et les psychothérapies. Je le conseille aussi à toutes personnes curieuses, même si ça n'entre pas dans vos croyances et vos convictions.
Bien évidemment il est nécessaire de conserver un regard critique, d’interroger et de questionner, mais pour autant, peut-on rejeter totalement ce que l’on ne connaît pas, ce que l’on ne comprend pas et qui éventuellement nous fait peur ?
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[1] Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, 1968, Éditions Payot.
[2] En Mongolie, à l’inverse de ce que l’on peut souvent voir en Amérique du Sud (et qui correspond à la connaissance généralement transmise sur le sujet), il n’y a pas d’objectifs de transe pour l’impétrant. Aller voir un chaman, c’est avant tout entrer en relation avec lui autour des raisons qui nous amènent à le voir, de manière général seul le chaman entre en transe. Et si parfois il y a proposition d'entrer en transe, cela passe toujours par le biais du tambour, jamais de plantes psychotropes tel l'ayahuasca, le peyotl ou l'iboga.