Donner, le « Don » est-il un acte gratuit ?
Notre société judéo-chrétienne (tout comme d’autres grandes religions) a posé le don comme un acte gratuit. Une forme de dictat imposé qui donne l’impression que dès qu’il y a « don » il y a désintérêt. Et pourtant, est-ce vraiment le cas ?
N’oublions pas, qui dit « intérêt » ne veux pas obligatoirement dire « être intéressé ». Il n’y a pas toujours une plus-value derrière un intérêt. Le plaisir, par exemple, est souvent moteur de nos actes. Dans certains cas (certains dons par exemple), il est du domaine de l’intérêt personnel mais, « sans recherche de bénéfices », même s’il y en a un. Qu’on le veuille ou non, il existe toujours un bénéfice neurologique ou psychologique inconscient. Neurologique dans les molécules d’endorphine que cela génère et psychologique dans les compensations présentes. « Donner » n’est donc jamais gratuit. Il n’y a jamais désintérêt. Alors,
« donner » n’est jamais anodin.
Cela engage toujours soi et l’autre. Tout don, quel que soit sa forme, appelle à redonner un jour (le contredon), directement ou indirectement, que cela soit conscient ou non.
Le don : je donne, il/elle reçoit et redonnera un jour, à moi ou à quelqu’un d’autre, directement ou indirectement, un objet proche ou différent.
Le « Don » est ainsi au cœur des relations humaines, mais aussi au sein des autres espèces tout comme dans les relations inter-espèces. Il pourrait même être présent au niveau biologique, entre les cellules.
Dans notre société où intérêts, rentabilités et bénéfices priment, il déserte les entreprises comme l’a très bien montré Norbert Alter dans Donner et prendre. La coopération en entreprise (2010). De par l’illusion de sa gratuité, « donner » est maintenant devenu suspect.
Dans sa boussole du Don, Philippe Chanial propose huit formes de cycles de don :
- Quatre vertueuses : donner pour que l’autre reçoive, donner pour donner, donner pour que l’autre donne et donner pour que l’autre redonne. Quatre formes inscrites dans la « paix ».
- Quatre pernicieuses : donner à condition que l’autre rende (plus), prendre ce qui a été pris, prendre pour prendre et donner pour que l’autre ne puisse rendre. Quatre formes inscrites dans la « violence », réelle ou symbolique.
Comme le précise Chanial, « Bien évidemment, cette boussole n’a pas la prétention de dresser définitivement la carte de l’ensemble des relations humaines, encore moins de figer ses différentes formes ». Cette boussole pose des possibilités, des mouvements envisageables. Elle propose une lecture de nos actes en « clé de don ».
La violence des formes pernicieuses du don est sans doute aussi une des raisons de la méfiance (souvent non conscientisée) qu’il peut engendrer. Ces formes sont donc intéressantes à connaître et à comprendre. Ne serait-ce que pour donner du sens à certains de nos vécus.
Dans de futurs articles, je développerai indépendamment chacune de ces formes pour voir comment elles s’insèrent dans nos réalités quotidiennes.
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