Le don : un processus à la fois vertueux et vicieux (2/3)

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Le don : un processus à la fois vertueux et vicieux (2/3)

DONNER POUR QUE L'AUTRE RENDE

C’est le processus classique inconscient du don et d’un grand nombre de relations sociales. C’est-à-dire le fait de donner tout en sachant, de manière consciente ou non consciente, qu’un jour l’autre nous rendra, d’une manière ou d’une autre. Sans cette certitude inconsciente, beaucoup de gestes relationnels n’existeraient pas. Paieriez-vous régulièrement un repas, un café à certaines de vos connaissances s’il n’y avait aucun retour possible ? C’est la même chose pour les services, les cadeaux, un remerciement sincère étant déjà un premier retour. Nous sommes ici en présence d’une spirale où dons et contre-dons (ce qui est rendu, donc re-donné) se succèdent jusqu’à ce que la relation s’arrête.

Ici, l’intention dans le don est la relation, dans sa mise en place ou son maintien. Elle passe obligatoirement par une attente (souvent non consciente) de retour. Elle est vertueuse car elle facilite la vie en communauté.

DONNER POUR QUE L'AUTRE DONNE

Rendre c’est redonner, mais redonner n’est pas exactement la même chose que donner. Dans le redonner, nous sommes dans une réponse à un don reçu, dans la réaction. Dans le donner, nous sommes à l’initiative d’un geste. Nous initions une spirale de don. Donner pour que l’autre donne arrive lorsque nous savons l’autre dans l’incapacité de nous rendre mais qu’il pourra donner un jour à son tour (ce qui sera tout de même une forme de redonner). Je pense par exemple à ce que m’a raconté un professeur émérite. Lorsqu’il était étudiant et désargenté, il est souvent arrivé que certains de ses professeurs l’invitent à déjeuner. Ces derniers savaient très bien qu’il ne pourrait jamais leur rendre. Consciemment ou inconsciemment, peut-être se disait-il qu’un jour, si l’occasion se présente, il en ferait autant. Ce qui fut le cas.

Le donner pour que l’autre donne entre dans le champ de l’exemplarité. Il n’y a pas d’attente de retour spécifique. L’intention n’est généralement pas consciente. Tournée vers l’autre, elle est de l’ordre de la générosité et donc vertueuse.

DONNER POUR DONNER

Dans le donner pour donner, seul le « donner » est présent. Il n’existe pas d’attente particulière. Le retour s’installe dans le plaisir et/ou l’autosatisfaction que l’on a à donner, ce que j’ai appelé le « self-contredon ». Il se fait sans attente et ne demande pas obligatoirement de contre-don. Le donataire est libre de recevoir ou non. C’est ce qui se passe notamment lorsque nous donnons à un indigent sans sentiment de culpabilité, tout simplement pour le plaisir de donner. Cela peut aussi arriver dans la sphère privée, seulement, dans notre société où tout ce qui est désintéressé est devenu suspect, le donner pour donner n’est pas toujours compris et peut même parfois être mal interprété.

Le donner pour donner entre dans le champ de l’abnégation, du non-retour, de la liberté de l’autre. Il n’y a aucune mise en dette. L’intention est de se faire plaisir en rendant service, sans attente spécifique.

DONNER POUR QUE L'AUTRE REÇOIVE

Cela se fait vis-à-vis des personnes qui ne peuvent ou ne savent recevoir. Elles ne le peuvent pas quand elles ne sont pas en mesure de recevoir parce que malade et impotente ou en raison de difficultés dans leur vie personnelle (ce sont deux possibilités parmi d’autres…). Elles ne savent pas recevoir quand, blessées dans leur histoire, elles sont incapables de donner suffisamment de leur confiance. Face à de telles personnes, nous pouvons être amenés à donner tout simplement pour les aider.

Le donner pour que l’autre reçoive s’inscrit dans la sollicitude. L’intention est l’aide à l’autre. L’attente peut s’inscrire dans le bénéfice que nous espérons qu'il en tirera (bien être, sortie d’une situation, prise de conscience, etc.)

 

L’intention des dons vertueux est ainsi tournée vers l’autre à partir de nous. C’est sa spécificité, ce qui fait qu’il est positif et gratifiant. Mais malheureusement, tous les dons ne sont pas vertueux, il existe aussi des processus vicieux comme je l’ai précisé au début de cet article.  

 

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