Nous sommes tous ange et démon
Sans lumière l’ombre n’existerait pas et sans ombre la lumière n’aurait plus sa force. C’est la quadrature du cercle de l’existence.
Le beau ne peut exister que parce que le laid existe et vice versa. Tant de beau est si laid et tant de laid resplendit de beauté sulfureuse et perturbante. C’est le sens du symbole du yin et du yang, cette complémentarité où dans la lumière l’ombre se tapit lorsque dans l’ombre la lumière guette.
Penser le monde uniquement lumineux est une douce illusion et un mensonge qui ne tient pas compte de la vie et de la nature d’où nous sommes tous issus. L’expérience de la souffrance des ombres est ce qui exacerbe la joie et le bonheur. Comment les connaître sans avoir expérimenté leurs opposés ? Impossible !
Le passage de la lumière à l’ombre et de l’ombre à la lumière, tel le roulement du temps entre nuit et jour est mouvement et vie. Le stupre, la luxure, le vice font bouger les lignes et les frontières, ils mettent en vie, ils excitent, ils font vibrer. Doux moments chaotiques succédant à la paix de l’âme que l’on recherche souvent. Comment donc ressentir la paix lorsque nous n’avons pas goûté au chaos, et que cette paix serait triste et chiante si le chaos ne venait pas nous chatouiller les sens et nous plonger de temps en temps dans le noir.
Le champ du développement personnel voudrait nous pousser vers un bien-être affranchi de toute souffrance. Quelle absurdité ! Tout travail sérieux devrait nous amener à embrasser nos ombres, à aller à leurs rencontres pour reconnaître nos démons et les embrasser afin de nous vautrer dans leur fange au gré de nos désirs et plaisirs. Aucune honte à avoir, c’est la vie, nous sommes tous ange et démon.
Plonger au fond de notre noirceur, descendre dans notre enfer intérieur, aussi difficile et douloureux que ça puisse être, est toujours bénéfique. C'est se laisser dévaster par un ouragan dont les vents violents nettoient tout sur leur passage, nous permettant d'aller nous confronter à nous-mêmes, de nous sentir bien vivant en découvrant le pire dont nous pourrions être capables, ce délice des sens que, par souci social, nous ne nous autorisons pas souvent à vivre. Ensuite, tout est une question de préférence et de choix à assumer : le laisser vivre ou le laisser là, tapi en nous, au cas où… Une fois pleinement vivant en nous, à nous donc de choisir à quelle facette nous donnerons préférence : l’ange ou le démon, sachant que les anges ne sont pas toujours si bons que ça et que les démons pas toujours si mauvais. C’est si jouissif pour certains de faire du mal en faisant du bien et si délicat pour d’autres de faire du mal pour faire du bien.
Notre dualité singulière est ce qui nous fait... et quelle est belle ! L’accueillir et la vivre c’est accepter de perturber, de déranger, c’est ne pas se laisser végéter et mourir doucement dans cette morne norme que nos systèmes nous imposent pour mieux nous tenir et nous dominer.
Ange et démon nous sommes, ange et démon nous devrions vivre, laissant l’un ou l’autre s’exprimer en fonction des moments et des besoins.