Identités

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Chiang Mai 2-054 Parmi toutes les identités que nous pouvons avoir, quelle est donc notre identité première, c’est-à-dire la plus importante pour nous ?

Est-ce notre identité en tant que membre de notre famille, voir de notre clan pour certains ? Est-ce une identité liée à un corporatisme spécifique (religieux, politique, etc.) ?  Est-ce celle de notre région d’origine ou d’adoption ? Est-ce celle de notre pays d’origine et celui dans lequel on s’est définitivement installé ? Est-ce celle d’un regroupement continental tel l’Europe, l’Afrique, etc. ? Ou serait-ce une identité liée à la terre, une identité de Terrien ? 

L’ordre que je viens de proposer pour mon énumération n’est-il pas justement celui qui, de manière générale, va de notre première identité à celle qui serait sans doute la plus lointaine, la moins importante ? Ou plutôt ne devrais-je pas plutôt dire celui ce celles auxquelles notre éducation a donné le plus de sens de vers celle qui en ont le moins ? 

Vous pouvez constater ici que je parle de ces identités envers lesquels nous ressentons souvent une allégeance pour ne pas dire une responsabilité qui peut souvent virer sur une forme de culpabilité. Je ne parle pas de ces identités quotidiennes que nous pouvons habiter au travers des personnages que nous pouvons jouer. Ces différentes personnes que l’on peut être en fonction de situations et des contextes que nous vivons. (À ce sujet, si ça vous intéresse d’aller plus loin, je vous invite à lire Le mythe de l’identité, apologie de la dissociation.) 

N’arrive-t-il pas à un certain nombre d’entre nous de se sentir devoir quelque chose à son nom, et donc à sa famille et son histoire ? L’importance que beaucoup peuvent donner à leur nom, l’histoire de leur famille, leur lignage n’est-il pas significatif ! Ne trouvez-vous pas que de la famille mononucléaire autour d’un nom il n’y a qu’un pas vers le groupe familial et ses personnages clefs, dans le présent comme dans le passé ?

Que pourrait-on aussi dire des identités régionales auxquelles certains se sentent liés : les Basques, les Corses, les Bretons, les Alsaciens (pour les plus emblématiques en France continentale), etc.

N’existerait-il pas chez la majorité des individus une hiérarchie de nos allégeances identitaires ? Et ne seraient-elles pas liées à nos contextes de vie mais aussi aux différentes cultures dans lesquels nous pouvons baigner (familiales, régionales, politiques, religieuses ou artistiques) ? 

Cet ordre croissant de nos identités, allant de la plus restreinte à la plus large ne nous enfermerait-il pas ? Cela ne serait-il pas un vecteur d’intolérance ? 

Identité = s’identifier à celles et ceux dont nous nous sentons proches, pour nous en rapprocher. Mais cela n’implique-t-il pas, au final, d’être moins proche d’autres, quand ce n’est « pas du tout proche » d’eux, allant même jusqu’à être incapable de les voir pour ce qu’ils sont et ainsi les rejeter ? Je veux parler de celles et de ceux dont l’identité est différente de la (ou des) notre(s) ? Chiang-Mai155.jpg

Peut-on penser autrement ?

Peut-on se positionner autrement ?

Et si l’on inversait l’ordre, de cette hiérarchie des allégeances identitaires, que se passerait-il en nous ? Je veux dire par là que se passerait-il si nous partions du plus large (à qui nous donnerions la première importance) pour aller vers la plus restreinte ? Laissez-moi vous présenter par un exemple ce que je veux dire par là et que je souhaite proposer. 

Mon nom est Lambert et celui de ma mère est Wiener. Dans la hiérarchie classique croissante des allégeances identitaires, je suis donc d’abord un lambert-wiener, puis un parisiano-haitiano-basque du fait de mes différentes identités régionales, ensuite je suis un français et un Occidental. Ensuite je suis un Européen et enfin un Terrien. J’aurai des convictions politiques et/ou religieuses, ou me sentirais faire partie d’une famille artistique, sans doute aurais-je inséré ces identités au milieu de celles que je viens d’énumérer. J’aurai une identité sexuelle à affirmer (hétéro, homo ou bi), elle viendrait aussi s’insérer au milieu des autres. Peut-être que l’identité religieuse, politique ou sexuelle serait passée avant celle de la famille, prenant la première place.

Cet ordre n’est donc pas une règle, c’est celui qui me semble être le plus courant avec certaines variantes de places. Ce que l’on peut affirmer, me semble-t-il, c’est que les identités larges (Européens et Terrien) sont en bout de chaîne et souvent les moins importantes. N’est-ce pas tout simplement ainsi, parce que cela ne fait pas partie de notre éducation et de ce qui est véhiculé par la société ? Il me semble que oui. 

Partir ainsi du plus restreint, ne sous-entend-il pas la nécessité d’un effort pour aller vers une autre identité en marge de la nôtre, pour aller à la rencontre de ces identités qui sont en dehors du cône formé par notre hiérarchie d’allégeances identitaires ? Pour certains, cet effort ne sera pas trop grand, il sera possible. Mais pour d’autres il sera difficile, si ce n’est parfois impossible, avec toutes les conséquences relationnelles et sociétales que cela peut impliquer. 

Quelle est donc votre propre hiérarchie d’allégeances identitaire ? Et si vous la posiez sur papier avant de continuer à lire cet article ? Qu’en pensez-vous ? Ne serait-ce pas intéressant ? 

Si vous l’avez fait, ressentez-vous cet aspect fermé (sans être inconditionnelle) de nos premières identités ? Un aspect fermé qui s’ouvre au fur et à mesure que nos identités avancent ? Personnellement, c’est ce que je ressens. Et cela ne pose-t-il pas problème ? Que penser du fait que l’ouverture aux autres (car finalement c’est aussi de cela que ça parle) se fait au fur et à mesure que nous avançons vers nos identités les moins importantes ? Cela n’en dirait-il pas long sur les difficultés d’ouverture aux autres que nous pouvons parfois ressentir, sur les intolérances qui peuvent parfois nous habiter ? 

Pour en revenir à ma proposition de hiérarchie inverser, qu’est-ce que ce serait d’entrée dans une hiérarchie décroissante de nos allégeances identitaires ?

Si je reprends l’exemple de ma propre personne, qu’est-ce que ce serait de me penser autrement, c’est-à-dire de me dire : je suis d’abord un Terrien, puis je suis un Européen et ensuite un Occidental, après je suis un parisiano-haitiano-basque  et enfin un lambert-wiener.

Quand je pense ainsi, quand je me pense Terrien en premier, c’est une sensation d’universalisme qui m’habite. Je perçois le lien que je peux avoir avec tous les habitants de la terre, les hommes bien évidemment, mais aussi les autres animaux et les végétaux. Pourrions-nous vivre les uns sans les autres ? Je n’en suis pas sûr. Me penser ainsi en premier c’est reconnaître que je fais d’abord et avant tout parti de la très grande famille des habitants de la terre, c’est donc m’englober et me lier aux autres au lieu de m’en différencier. C’est une identité globale qui me rapproche des autres et qui m’invite à faire ce que je peux (avec ce qui je suis et mes travers) pour tous les respecter.

Me reconnaître ensuite comme Européen, c’est faire tomber les barrières des frontières historiques, langagières et culturelles. C’est reconnaître et accepter ce que nous avons de convergent et essayer de voir ce qui peut nous rapprocher et nous lier dans nos différences plutôt que de rester sur ce qui nous délie.

Me ressentir ainsi au travers d’identités premières qui sont larges m’ouvre au monde. C’est ce que je ressens. Alors, étant donné que plus j’avance vers les identités restreintes, plus je vais vers ce qui à le moins d’importance, celles-ci ne m’enferment pas, ce ne sont que des réalités qui font parti de moi mais qui ne me déterminent pas. Ou plutôt devrais-je dire qui me détermine de moins en moins si ce n’est pour certaines qui ne me déterminent plus. 

Et vous, qu’en pensez-vous ? Si vous avez posé sur papier la hiérarchie croissante de vos allégeances identitaires, posez donc maintenant ce que pourrait être la hiérarchie décroissante de vos allégeances identitaires. Pour cela, le plus simple est de reprendre ce que vous avez écrit mais en commençant par la fin pour finir par le début. Une fois que ce sera fait, essayer de penser cette nouvelle première identité comme étant votre identité première, c’est-à-dire celle qui aurait le plus d’importance pour vous.

Essayez maintenant de voir ce que vous ressentez, comment vous vous sentez. Et regardez en vous ce que cela pourrait vous apporter, mais peut-être aussi vous enlever. Et redescendez votre hiérarchie en faisant de même à chaque étape, c’est-à-dire en donnant de moins en moins d’importances aux identités qui viennent après.

J’imagine que pour certain cela peut être libératoire, alors que pour d’autres cela pourrait être anxiogène. Ce n’est qu’une proposition d’un nouveau positionnement dans la vie et dans son rapport aux autres que je fais là. Une proposition d’un autre positionnement identitaire, un positionnement qui essaierait de nous libérer de l’esprit grégaire que nous pouvons avoir et de certains de nos déterminants psychosociologiques. 

Alors, si vous avez essayé, peut-être y arriverez-vous, peut-être n’y arriverez-vous pas. Ce n’est tout simplement pas le moment ou cela ne vous convient pas… et pourquoi pas !

L’important me semble avant tout de voir ce qui nous convient et de bien vivre nos différentes identités, c’est-à-dire de manière harmonieuse avec nous-mêmes, mais aussi avec les autres et notre environnement.

 

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Publié dans Philosophons un peu

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