Une culture de la faute !
Se pourrait-il qu’il existe en France une culture de la faute ?
En 1998, dans d’une reprise d’étude dans laquelle j’étais, l’intervenant qui nous donnait le cours de communication, un sociologue, nous a expliqué que la France était le seul pays qui parlait de « fautes d’orthographes ». A l’époque cela m’a interrogé et cette interrogation est toujours restée présente.
En France, l’orthographe est quelque chose d’important, nous le savons tous. Ca l’est même souvent plus que les compétences professionnelles que l’on peut avoir. Aussi professionnel que vous puissiez être, et même si vous êtes le meilleur dans votre domaine, dans une entreprise, si vous faites des fautes d’orthographe ou si vous écrivez mal, ne pouvez-vous pas être dévalorisé et mal vu ? Je pense qu’une grande majorité d’entre vous l’ont vu et l’ont même peut-être vécu. Mais, peut-être faites-vous partie, vous-mêmes, des personnes qui jugez les autres en fonction de leur orthographe ? Ca pourrait ne pas être surprenant, c’est si courant en France… Il n’est ainsi pas rare que l’orthographe prédomine sur la compétence. Et, même s’il est important de bien écrire et que cela peut relever du respect des autres, je ne le contesterai pas, n’est-ce tout de même pas quelque part un peu absurde ?
Parler de « fautes d’orthographes », quel que soit l’âge, n’est-il pas stigmatisant ? Est-ce que cela ne peut pas être non plus symboliquement violent ? La faute n’est-il pas le principal fait qui permet de licencier un salarié, même en CDI ? La « faute » est une chose grave en soi.
Quel message transmet-on aux jeunes avec ce vocabulaire ? Quelle pression met-on sur eux dès le plus jeune âge ? Bon, vous me direz, c’est pas ça non plus qui fait que leur orthographe s’améliore. Ce qui n’est pas faux. Mais cela enlève-t-il les pressions occasionnées pour autant ? Et puisque ça ne change rien, pourquoi continuer à y associer une telle gravité ? N’en serait-ce même pas contre-productif ?
Et, à partir du moment où cela prend une telle importance dans le monde de l’entreprise, cela n’en prend-il pas une dans nos vies de tous les jours ? La faute et l’erreur grave ne deviennent-ils pas alors une crainte inconsciente plus ou moins présente dans nos vies et nos rapports au travail, ainsi qu’à un certain nombre de choses que l’on peut faire ? Quel impact cela peut-il donc avoir sur nos propres prises de risques, sur ce que l’on se permet de faire et d’être, sur notre capacité à assumer ce que l’on fait ? Quel impact cela peut donc avoir sur notre éventuelle propension au jugement et à la condamnation des autres ? Et en retour à une éventuelle appréhension d’être jugé et condamné ? Quel impact, donc, sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes ? A quel point cela ne limite-t-il pas non plus ?
Alors, peut-on, en France, s’affranchir du rapport à la faute ? Peut-on s’en libérer en acceptant et reconnaissant que cela fait partie de la vie et de l’imperfection humaine ? Peut-on l’accepter et ainsi tolérer les imperfections des autres comme nos propres imperfections et limites ? Cela se serait-il pas plus positivant?
Et ne pourrait-on pas parler de se tromper et de simples erreurs plutôt que de fautes ? Ne serait-ce pas plus léger ? Cela n’enlèverait-il pas la gravité, non justifiée pour l’orthographe, associée à la notion de faute ?
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