Apologie du doute et de l’incertitude

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Ne trouvez-vous pas que le doute et l’incertitude ne sont pas vraiment valorisés dans notre société ? Et pourtant, ne sont-ils pas préférables à l’assurance et à la certitude ?

L’évolution de la connaissance et du savoir nous a montré que toute certitude d’un jour pouvait être remise en cause par une nouvelle découverte un autre jour. De fait, toute assurance scientifique ne peut être à 100 % certaine. Le doute doit être en permanence présent dans la recherche, ce que tout chercheur qui se respecte sait.

Et n’est-ce pas la même chose dans la vie privée comme dans tous les secteurs de la vie ? En fait, de quoi peut-on vraiment être certain ? Je me suis un jour posé cette question. J’ai trouvé deux certitudes qui actuellement ne peuvent être remises en question : nous naissons un jour et nous mourrons un certain laps de temps après (qui sera plus ou moins long). Entre ces deux certitudes, il en existe quelques autres comme celles de nos origines biologiques et génétiques, de notre fratrie et de notre environnement socioculturel de naissance. Il y a aussi sans doute quelques autres certitudes globales auxquels je ne pense pas dans l’immédiat. Et en dehors de cela, qu’y a-t-il de certain dans le temps ? Il me semble pas grand-chose. Que ce soit les relations avec les autres  (quel qu’elles soient), la santé, le travail, notre situation socioculturelle, le logement, notre situation économique, la paix, nos activités artistiques, nos possessions, nos capacités, notre connaissance, les religions, etc., tout cela peut changer à un moment donné, et parfois de manière brusque. L’actualité en France et de par le monde ne nous le montre-t-il pas régulièrement ?

Rien de tout cela ne peut être assuré et certain dans le temps. Ca l’est à un instant « t » mais peut-on garantir à 100 % que ça le restera ? Cela me semble impossible. Nous le souhaiterions tous souvent pour certaines d’entre elles. Cela relève de nos équilibres « psychobiologiques » personnels. Cela fait simplement partie d’une certaine « normalité » que je ne remettrai pas en question. Il me semble même nécessaire de le souhaiter. Mais d’attendre que tout perdure sans être prêt à un changement possible et non souhaitable ne nous est-il pas préjudiciable ? N’est-ce pas une approche que beaucoup ont ? Ne valorisant pas le doute et l’incertitude, le système majoritaire des sociétés occidentales ne nous pousse-t-il pas dans les bras illusoires de certitudes temporaires ?

Combien de mal-être, d’états dépressifs, de dépressions, de maladies psychosomatiques, de pathologies naissent de changements soudains liés à la disparition inattendue de quelque chose dont on était sûr ? L’amour ou l’affection de quelqu’un, une relation avec un autre, la vie d’un proche, un travail, un statut, une fonction, une capacité, une connaissance, un objet, etc. Cela ne pourrait-il pas venir des attentes que nous pouvons avoir sur la vie et dans la vie ? Des attentes qui peuvent se nourrir de certaines de nos certitudes. Des certitudes dont nous nous imprégnons, dans lesquels nous nous complaisons de par les compensations qu’elles nous apportent, mais que beaucoup ne sont pas prêts à questionner et remettre en cause. Si nos certitudes sont fortes et chargées, nos attentes associées n’en seront-elles pas plus grandes ? Et plus elles seront grandes, plus leurs déceptions ne risqueront-elles pas d’être perturbantes et déstabilisantes ? Qu’en pensez-vous ? Alors, savoir accepter l’incertitude de la vie, accepter de douter ne permettraient-ils pas de réduire la charge de ses attentes et donc de mieux vivre les changements inattendus qui peuvent survenir ?

Je me suis posé cette question lorsque j’ai remarqué que les personnes qui acceptaient l’incertitude, que celles qui doutaient facilement des choses vivaient plus facilement les changements soudains. Il m’a semblé que c’était moins source de troubles chez eux. Mais je peux me tromper. Ces personnes avaient pourtant aussi des certitudes, certaines assurances. C’est d’ailleurs au travers de ces dernières qu’ils réalisaient leurs projets et qu’ils avançaient dans la vie. Mais ces dernières ne les empêchaient pas, dans le même temps, de douter et d’accueillir l’incertitude. Il me semble que les deux ne sont pas du tout incompatibles, tout au contraire.

Dans Les 7 savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Edgar Morin écrit que « la connaissance est une navigation dans un océan d'incertitudes à travers des archipels de certitudes ». Ne pourrions-nous pas étendre cette idée à la vie en elle-même ? Ne naviguerions-nous donc pas « dans un océan d’incertitudes au travers d’archipels de certitudes » ?

L’incertitude n’est pas chose négative, elle fait partie de la vie, elle la pimente même. Si tout était sûr et certain, la vie n’en deviendrait-elle pas triste ? Plus de surprises, plus d’étonnements, peut-être moins d’émerveillement. N’est-ce pas elle, de plus, qui en partie, a permis bien des découvertes et des évolutions ?

Etre trop certain des choses, être plein d’assurances sans avoir de doutes n’est-il pas aussi un risque d’enfermement, d’intolérance et de condescendance vis-à-vis des autres ? N’avez-vous jamais remarqué à quel point certaines personnes, drapées dans l’assurance de leurs certitudes et la valorisation de leur statut, en profitent pour s’imposer quand ce n’est pas écraser les autres, celles et ceux qui ne savent pas ou qui ne pensent pas comme eux ? Combien de violences psychologiques et physiques cela peut générer ? Combien de drames cette posture a pu provoquer dans l’Histoire et des histoires personnelles ? Maintenant, il est vrai que ce n’est pas pour autant simple. Affirmer ses certitudes, voire les imposer, peut aussi être une forme de protection. Mais est-ce que c’est  pour autant positif et obligatoirement acceptable ? Il me semble que non.

Je sais que dans notre société il n’est pas bon d’afficher ses doutes et de montrer que l’on doute. Il est plutôt attendu l’inverse. L’affirmation est même plutôt valorisée. Et pourtant…

Douter, ne serait-ce pas être capable d’accueillir le « différent », le « ce qui n’est pas comme on pensait » ? Ne serait-ce donc pas être capable de se remettre en question et ainsi d’évoluer, de progresser ? Ne serait-ce pas aussi se donner la possibilité d’être plus tolérant, plus ouvert aux autres ? Ne serait-ce pas, enfin, essayer de faire preuve d’humilité ?

 

Savoir douter de toutes choses ne serait-il pas

psychologiquement sain et bénéfique pour notre équilibre interne et notre santé ?

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Ne serait-il pas intéressant d’enseigner à douter, à ne pas être sûr, à accepter de pouvoir se tromper, donc d’avoir tors, à ce que toute certitude est incertaine au milieu de l’incertitude de la vie ? Cela n’aiderait-il pas à mieux appréhender les aléas de la vie et donc, éventuellement, à vivre un peu mieux ?

 

 

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Publié dans Philosophons un peu

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