Éducation et pédagogie sous le prisme du biologique 10/10
8 - Qu’est-ce que tout cela vient donc interroger ?
Essayer de comprendre ainsi les fondements de nos comportements biologiques signifie-t-il pour autant changer nos manières d’être ? Je ne le pense pas. Par comprendre, comprendre nos propres fonctionnements ne permet-il pas de mieux comprendre ceux des autres ? Après tout, ne sommes-nous pas tous des animaux-hommes disposant des mêmes règles biologiques de fonctionnement ? La différence principale entre les individus vient simplement des différences qui existent entre tous les profils comportementaux. Chez les humains, il me semble évident qu’il ne doit pas y avoir un profil comportemental strictement identique à un autre. Par contre, il doit sans doute exister des familles de profils comportementaux avec lesquels les individus peuvent se sentir proche.
La question n’est donc pas pour moi de changer obligatoirement nos comportements (cela appartient à chacun), mais de mieux « se comprendre » pour mieux comprendre les autres afin de « mieux » réagir avec eux. Dans le cadre de cet article, de l’éducation et de la pédagogie, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Il me semble évident qu’il est impossible d’avoir un contrôle sur nos excitations endogènes et sur l’impact des fonctions finalisées sur nous. Nous ne pouvons qu’en avoir connaissance en espérant parfois prendre conscience de ce dans quoi l’on pourrait être et en prendre compte dans ce qui pourrait se passer, si cela a du sens bien évidemment.
Par contre, dans un premier temps, le savoir pour nous, fait que nous pouvons aussi le savoir pour d’autres. Réussir à intégrer au fond de nous que certaines réactions d’apprenants peuvent être liées à une insécurité ou un besoin de relation ou un besoin de s’alimenter, etc. ne pourrait-il pas nous aider, parfois, si ce n’est souvent, à mieux réagir ? Ne serait-ce qu’en regardant, d’abord, l’état dans lequel nous pouvons être et quel impact il peut avoir sur l’autre. Et ensuite en essayant de voir comment faire tomber la tension que nous pourrions percevoir. Qu’en pensez-vous donc ?
Alors certes, c’est facile à dire et sûrement beaucoup plus difficile à appliquer. Mais ne serait-ce pas intéressant d’essayer ? Comme très souvent, c’est avec la pratique que l’on s’améliore. Et avant d’essayer de le faire en situation d’éducation, d’apprentissage, ne serait-ce pas intéressant d’essayer de le faire avec ses proches et chez soi ? Ne serait-ce pas le cadre idéal pour pratiquer. N’est-ce pas celui où beaucoup de tensions coexistent ? Pour ma part, c’est ce que j’ai commencé à essayer de faire avec ma sœur. Autant vous dire que ce n’est pas évident, ça remet en question et fait bouger. Mais ça en vaut vraiment le coup… et je m’accroche.
- La première et principale application de la compréhension du schéma Lorenz-Craig en éducation ne serait-elle donc pas de tenir compte de son existence dans la réaction de l’autre en face de nous, tout en tenant compte de la fonction dans laquelle nous pourrions aussi être. N’oublions pas, l’objectif est toujours de favoriser l’apprentissage. Cela reviendrait à répondre au besoin de l’apprenant, mais tout en tenant compte de notre propre état. Un apprenant agressif, dans une position de fuite (certains de ceux qui évitent de participer, de s’exprimer notamment), dans quelle forme d’insécurité peut-il donc être et comment faire en sorte de le rassurer, de faire disparaître cette insécurité pour qu’il soit moins agressif (voire plus du tout), qu’il se mette à participer ? Un apprenant qui est en demande de relation, comment y répondre sainement et sans participer à un pathos possible ? Un apprenant dont on suppose qu’il puisse être dans une pathologie adaptative, comment faire pour l’aider à y remédier ? Ce sont des choses que nous avons déjà l’occasion de faire, mais souvent avec ceux que nous voyons, que nous percevons. Mais il y a toutes celles et tous ceux que nous ne voyons pas, que nous ne percevons pas. La conscience de ce schéma ne serait-il pas une possibilité de plus s’ouvrir à eux ? J’émettrais l’hypothèse que si nous ne les voyons pas, c’est qu’ils ne résonnent pas avec notre propre état et les « préférences comportementales » dans lesquels nous pouvons être (je pense bien sûr ici aux profils comportementaux).
- Une autre application pourrait être de tenir compte de l’ordre des fonctions dans l’organisation des dispositifs pédagogiques. Pensez-vous, comme moi, que cela pourrait favoriser les apprentissages ?
- Une dernière application qui me vient à l’esprit est sans doute un peu tordue, je dois l’admettre. Ce serait l’utilisation de la réalité des fonctions finalisées à des fins pédagogiques. Je m’explique. Serait-il possible de provoquer volontairement une excitation endogène qui activerait une fonction finalisée afin de mettre les apprenants dans une recherche d’appétence spécifique dans laquelle il serait amené à faire appel à des apprentissages en cours ? Bien évidemment, afin d’éviter de tomber dans une inversion de schéma, cela devrait être fait dans un cadre posé qui leur laisserait une grande marge de manœuvre et sans connaissance du résultat final attendu. On pourrait, par exemple, provoquer une insécurité générale ou une nécessité de relation. J’ai l’impression de l’avoir involontairement fait une ou deux fois dans des cours que j’ai pu donner. Il faudra que je creuse… Sans doute est-ce parfois arrivé à un certain nombre d’entre vous, n’est-ce pas ! L’une des situations à laquelle je pense n’a pas été efficace dans l’instant, par contre elle a eu de l’effet dans l’après-coup. Cinq mois, la connaissance en question était intégrée alors que sur le moment il y avait eu une forte résistance de la majorité avec même du rejet de certains. Par contre, il y en a une autre qui n’a pas vraiment été efficiente, mais peut-être est-ce parce que je n’avais pas conscience de ce que je faisais. Ou peut-être pas !
Le schéma Lorenz-Craig appliqué à l’apprentissage vient aussi interroger un autre point qui est peut-être en léger décalage. Quand on perçoit comment cela fonctionne, respecte-t-on nos corps dans nos manières de procéder ? Quel impact les manières de faire et d’apprendre actuelles peut donc avoir sur les individus et notamment sur leur équilibre interne et externe (leur homéostasie) ? Et, par ricochet, quel impact cela peut-il donc avoir sur leur psychologique et leur vie quotidienne ? Connaître, comprendre et intérioriser ce schéma ne permettrait-il pas, parfois, d’une part d’éviter de basculer dans des pathologies adaptatives et surtout destructives, mais aussi d’aider d’autres à ne pas basculer ? N’y aurait-il donc pas du sens à développer cette connaissance afin de l’intégrer dans les enseignements actuels, et cela dès qu’un individu est en âge de le comprendre et de l’apprendre ?
Voila, j’en ai terminé avec ce long article dont j’ai posté les pages (et parties) au fur et à mesure de ma réflexion. J’espère, du coup, qu’il n’y aura pas trop d’éventuelles contradictions. Maintenant, s’il y en a, ce ne pourrait qu’être source d’échanges intéressant… voire même d’apprentissage… Alors, si vous avez des choses à dire, si vous avez envie de réagir, n’hésitez surtout pas.
D’autres données seraient certainement intéressantes à croiser avec tout cela afin de nuancer l’impact et l’intérêt de ce modèle. Je pense notamment au circuit neurologique de la récompense, ainsi qu’à celui de l’aversion et du système inhibiteur de l’action. Quelle place pourrait-il prendre dans tout cela et quel impact aurait-il ? Sans parler des différents mécanismes de mémorisation, une connaissance que la neurologie et la neurobiologie ne cessent de faire évoluer.
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