Éducation et pédagogie sous le prisme du biologique 4/10
4 - Quelles excitations endogènes pour quelles fonctions finalisées quand on apprend ?
Afin d’éviter toutes interprétations possibles et afin de simplifier la terminologie, j’utiliserai ici ainsi que dans certains chapitres suivant le terme « appreneur » pour désigner toutes personnes en situation d’apprendre à une autre, qu’il soit formateur (officiel ou officieux), enseignant, éducateur ou parent.
Quelques rappels
Avant de commencer, rappelons que « pour apprendre, il faut que l’organisme soit motivé par une excitation endogène suffisante et qu’il développe un comportement d’appétence à la recherche d’un signal déclencheur (MID) » (J-C Barrey). Si je comprends bien ce que nous dit Jean-Claude Barrey, le fait d’apprendre passe donc par une réponse à une tension existant sur une fonction finalisée. Réponse qui passe par le comportement d’appétence, et souvent un comportement en cascade pour les humains. Le comprenez-vous comme moi ?
Rapidement, l’objectif du processus décrit par le schéma de Lorenz-Craig est de répondre à un besoin physiologique. Un besoin physiologique qui se déverrouille lorsque l’excitation endogène qui lui correspond a atteint un seuil suffisant (voir Les modules comportementaux biologiques mis en lumière par l’éthologie 1/4). Ce seuil atteint, l’excitation endogène va mettre en tension une fonction finalisée. Cette tension ne demande alors qu’une chose : disparaître car elle est désagréable pour l’organisme (quel que soit le ressenti que cela peut provoquer). Pour qu’elle disparaisse, le corps doit agir, il doit entrer en action. Pour cela l’organisme développe un comportement d’appétence qui sera source de l’acte consommatoire final. Mais un comportement d’appétence qui lui permettra de rechercher le signal (MID) qui déclenchera l’action. Le point central dans le processus d’apprentissage n’est-il pas alors la possibilité de réponse à la tension existante et le comportement d’appétence le permettant ?
L’excitation endogène répond donc à des informations internes et externes :
- Des informations physiologiques internes indiquant et alertant sur les besoins chimiques de l’organisme, ceux qui permettent sont maintien et qui participent à son homéostasie (son équilibre).
- Mais aussi des informations externes qui vont avoir un impact sur son état interne en modifiant les équilibres existants.
Par exemple, le magnésium est un composé chimique qui permet, entre autre, de lutter contre le stress. Une information extérieure qui stress consommera donc (entre autre) plus de magnésium que de normal, réduisant du coup la quantité de magnésium dans le corps. Si le stress est très élevé, on peut imaginer qu’il pourra provoquer une chute importante du taux de magnésium dans l’organisme. Si, en raison d’autres informations externes et internes du magnésium est aussi consommé au point d’atteindre un seuil d’alerte, l’excitation endogène correspondante pourra mettre en tension une fonction finalisée subsistance. En fonction du seuil de déclenchement de l’individu, il y aura une recherche de comportement d’appétence (simple ou en cascade) qui dépendra de l’environnement et qui éventuellement pourra être source d’apprentissage. Le comportement d’appétence sera d’ingurgiter un produit contenant du magnésium, mais pour y arriver, il pourra y avoir une cascade de couple comportement d’appétence/MID. Cela passera ainsi d’abord par l’acquisition d’un produit contenant du magnésium, ce qui pourrait se faire par l’achat, la recherche d’un aliment, le vol, etc. Autant de possibilités d’apprentissages.
Production endogène d'excitation et apprentissage
De nombreuses excitations endogènes semblent donc pouvoir nous mettre en situation d’apprentissage. Ces excitations, ne peuvent-elles pas mettre en tension toutes les fonctions finalisées comportementales ? Ainsi, n’y aurait-il pas derrière tout apprentissage une motivation biologique en lien avec une fonction finalisée tendue ou détendue ? Quand on y réfléchit un peu, tous les apprentissages semblent pouvoir être lié à la recherche d’un comportement d’appétence qui répondrait à la tension d’une fonction sauvegarde, relation, subsistance, récupération ou d’une fonction en champ détendu.
Cependant, y a-t-il derrière chaque apprentissage une excitation endogène ? J’ai énormément de mal à le définir. Dans le cas des apprentissages imposés par la vie, il me semble évident que oui. Par contre, dans le cadre des apprentissages institués, j’ai du mal à le voir. J’ai plus l’impression que ce qui prédomine, ce sont les tensions sur les fonctions finalisées comportementales. Seulement, celles-ci ne pourraient avoir lieu qu’en lien avec des excitations endogènes. Alors, se pourrait-il donc que, dans le cadre de la société humaine où les couches supérieures du néocortex dominent, l’excitation endogène puisse passer du physiologique au psychologique ? Mais toujours pour répondre à un besoin physiologique complexe, en venant toujours mettre en tension nos fonctions finalisées. Je me le demande. Pour redire tout cela plus simplement, pourrait-il y avoir production endogène d’excitation physiologique transformée en production endogène d’excitation psychologique par le biais des filtres du néocortex ? Une production endogène d’excitation psychologique qui viendrait masquer le besoin physiologique de base. Auriez-vous un avis sur le sujet ? Ca m’intéresse.
Je vais donc principalement rester sur la prééminence des tensions des fonctions finalisées pour la suite de cette réflexion.
Comportement d'appétence et apprentissage institué
Maintenant, y a-t-il automatiquement recherche de comportement d’appétence en situation d’apprentissage institué ?
- Dans le cas d’un apprentissage volontaire, choisi, où l’apprenant est moteur de sa formation, il me semble qu’il y aura majoritairement, quand ce n’est pas toujours, recherche de comportement d’appétence. Pourquoi ? Tout simplement parce que cela répond à des tensions sur des fonctions finalisées de l’apprenant. Son souhait d’entrer en apprentissage vient obligatoirement de ses excitations endogènes. Ca ne lui est pas imposé.
- Par contre, dans le cas d’un apprentissage non volontaire, cela me semble loin d’être évident. Dans cette situation, l’apprenant a généralement été envoyé en apprentissage par une tierce personne (famille, entreprise, etc.) que je nommerai ici, pour simplifier les choses, « le commanditaire ». Je vois deux possibilités.
- La première, l’apprenant à fait sien le désir du commanditaire. Nous nous retrouvons, là, dans une délégation d’appétence qui pourra éventuellement trouver écho dans une production endogène d’excitation de l’apprenant. Dans cette situation, il me semble que nous nous rapprochons d’un apprentissage volontaire. Il n’y aura peut-être pas toujours recherche de comportement d’appétence, mais il devrait être majoritairement présent. Et cela d’autant plus lorsque l’apprentissage est constitué de plusieurs sous-apprentissages, comme en situation scolaire.
- La deuxième, l’apprenant n’a pas fait sien le désir du commanditaire. Il n’entre pas dans la délégation d’appétence demandée et aucune production endogène d’excitation personnelle n’y est associée. Dans cette situation, et en fonction des méthodes pédagogiques utilisées, j’ai l’impression que l’on pourrait se retrouver dans une inversion possible d’appétence « fragile ». Étant donné que dans certains cas l’apprenant connaîtra déjà l’acte à accomplir, sera-t-il en position de mener une recherche de comportement d’appétence ? En effet, connaissant (ou projetant) l’acte final attendu (savoir une leçon par exemple), le processus biologique comportemental ne sera-t-il pas déclenché par le signal que représente l’appreneur ou la leçon qu’il donne ? Ce qui provoquera alors la production endogène d’excitation qui mettra une fonction finalisée en tension. Ensuite, viendra éventuellement une recherche de comportement d’appétence. Je dis éventuellement car celle-ci ne sera souvent pas nécessaire, l’acte consommatoire final étant connu. Y aura-t-il alors réelle possibilité d’apprentissage ?
Motivation biologique d'apprentissage et une réalité
Lorsque je compare mes expériences d’apprentissage, ces fonctionnements comportementaux biologiques viennent donner du sens à ce que j’ai pu vivre et observer. Que ce soit lors de mes différentes scolarités (jeune ou en tant qu’adulte), des différentes formations en entreprise auxquelles j’ai participé mais aussi que j’ai pu dispenser, tout comme lors des cours que je peux donner en formation continue (formation d’adulte) ou en formation initiale.
Durant ma scolarité et mes formations, j’ai toujours ressenti et constaté une différence entre celles et ceux qui étaient motivés en raison d’enjeux personnels (famille, profession, ego, revanche personnelle, etc.) et ceux qui n’avaient pas de motivations particulières et qui étaient là parce qu’ils devaient l’être (que le commanditaire soit la famille, l’entreprise ou le système). Les premiers avaient toujours tendances à mieux apprendre que les autres. Proportionnellement, les apprentissages semblaient mieux fonctionner avec eux. Mener cette réflexion m’a permis d’y voir un sens biologique. En repensant à certaines personnes et certaines situations, je ne peux m’empêcher de percevoir les fantômes de certaines fonctions finalisées. Et vous ?
Maintenant, cela est-il le cas
pour toutes les méthodes pédagogiques ?
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